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Für eine andere Entwicklungspolitik!

Beitrag vom 03.09.2015

Almanach Politique du développement 2015

Perspectives de l’aide au développement

Pour plus de sérénité et de confiance /Volker Seitz

Le mot « aide au développement » est un tabou pour les donateurs. Il est politiquement
correct de parler de coopération au développement puisque le donateur et le bénéficiaire
sont censés entretenir une relation d’égal à égal, les yeux dans les yeux. Il faut donner l’impression de deux partenaires, donateur et bénéficiaire, qui sont égaux en droits. Quiconque travaille dans ce domaine sait toutefois qu’il s’agit d’un voeu pieux.

Considérer les Africains comme des pupilles, c’est le fondement inexprimé de la très grande majorité des projets. Et il ne semble rien rester de la bonne résolution qui consistait à se rendre inutile aussi vite que possible. Les Africains devront encore attendre longtemps les vrais changements, car les politiciens se sont conformés à l’idée que l’aide serait éternelle. Après presque six décennies, le bilan que je tire de l’aide au développement est marqué par cette inconfortable vérité. L’Afrique souffre sous lepoids d’une prise en charge excessive. En Europe, de nombreux Africains ne peuvent s’imaginer que comme bénéficiaires d’une aide. Dans notre attitude vis-à-vis de l’Afrique et des Africains, nous ne manquons pas seulement de sérénité et de confiance, nous faisons bien pire : nous les décourageons par des promesses trompeuses et constamment renouvelées. Il y a beaucoup trop de fonds étatiques d’aide au développement.

L’Allemagne à elle seule verse actuellement 265 millions d’euros annuels au
Congo ( Kinshasa ). À ce jour, cela n’a eu que peu d’effets. Cela n’est pas seulement
dû à l’indécent enrichissement personnel des élites, mais aussi au manque d’institutions fonctionnelles. Pour le dire avec les mots de Paul Theroux : « Wonderful people, terrible government. The Africa Story. »

Notre pitié permanente ne fait que renforcer une mentalité d’aide sociale qui est déjà chronique dans certains États africains. Qui veut dresser un état des lieux honnête devrait parler du fait que l’aide est encore évaluée en fonction des prestations fournies, et non en fonction des résultats obtenus. Malgré une situation initiale favorable, et le fait que de nombreux États sont choyés par les bailleurs depuis leur indépendance, des pays comme la Tanzanie comptent toujours parmi les plus pauvres du monde.

L’Afrique doit progresser au moyen de ses forces propres, et non pas avec la main tendue. Cela fait des décennies que la politique de développement se nourrit de ressources financières et humaines gigantesques. Et pourtant on échoue, et de très loin, à atteindre les objectifs minimaux. Infrastructure, santé publique et dispositifs éducatifs se délabrent. Je suis convaincu que la stratégie d’aide mené jusqu’à ce jour est essentiellement nuisible et qu’elle empêche toute émancipation véritable.

La dignité humaine impose à chaque individu et à chaque société de prendre sur soi la responsabilité de son propre développement. Seule la promotion de projets d’autoassistance initiés localement peut stimuler les initiatives individuelles ; elle donne espoir sans tenir sous tutelle. J’ai observé que la disposition à prendre soi-même une initiative et à en assumer la responsabilité est vite brisée par des mesures d’aide trop zélées, quand des dizaines de milliers de coopérants étrangers – qui ont fait de l’aide leur métier – s’octroient une trop grande part de responsabilité. Lorsqu’ils quittent leur poste, le projet s’écroule sur lui-même. Ces activistes de la charité – il n’est pas question ici de l’aide en cas de catastrophes – renforcent ainsi les évolutions négatives et se font les auxiliaires dociles de régimes autocratiques. Car si les dirigeants africains peuvent ignorer les besoins de leur population, c’est aussi – ou justement – parce qu’en Afrique, presque tout ce qui relève du devoir d’assistance des États est pris en charge par des organisations humanitaires étrangères.
C’est avec des mots remarquablement clairs que Nkosazama Dlamini-Zuma, Président de la Commission de l’Union africaine, s’est prononcé sur le sujet : dans la communauté des États africains, 97 pour cent des programmes de développement ont été financés par des bailleurs étrangers ; le continent devrait désormais utiliser ses propres ressources pour assurer son programme de développement. C’est de façon salutaire que le verdict du Président se distingue de l’opinion dominante selon laquelle l’aide au développement serait insuffisante.

Les Objectifs du millénaire pour le développement ne seront pas atteints

Il était prévisible qu’on échouerait à atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement ( OMD ) jusqu’en 2015 dans la région subsaharienne. Peu de choses ont été accomplies, malgré la mise en oeuvre de moyens énormes, de conférences, de consultations d’« experts » et de bureaucrates. Le bilan de la lutte contre la pauvreté, qui figure parmi les priorités des Objectifs du millénaire, fait l’effet d’une douche froide : alors que l’Asie et l’Amérique latine peuvent présenter de bons chiffres dans ce domaine, l’Afrique reste le parent pauvre du monde. Il n’y a guère eu de débats publics avec les premiers concernés – les membres de la société civile. On a négligé bon nombre des questions les plus pressantes : la promotion de la gouvernance démocratique, la distribution inégale du pouvoir et de la richesse comme cause du sousdéveloppement, le fort écart entre ville et campagne, les mesures pour un travail décent. On n’a pas réussi à diminuer l’ampleur de la pauvreté en milieu rural. On a échoué presque partout à atteindre les objectifs concernant l’accès à l’eau potable et l’hygiène. Chaque année, des millions de personnes meurent encore des suites de maladies transmises par des eaux polluées. L’exemple de la Guinée équatoriale est parlant : bien que le pays appartienne aux pays les plus riches d’Afrique grâce à ses bouillonnants puits de pétrole, les moyens manquent pour généraliser l’approvisionnement en eau. Mais les citoyens du pays se réjouiront sûrement de savoir qu’en 2015, leur dirigeant a parrainé le Carnaval de Rio à hauteur de trois millions d’euros.

Ces anomalies entravent également les progrès dans d’autres domaines, par exemple celui de la formation des jeunes filles et des femmes – car dans les familles traditionnelles, ce sont encore les femmes qui sont les principales responsables de l’approvisionnement en eau potable.
Les Objectifs du millénaire pour le développement adoptés en septembre 2000 ont été formulés de façon bien insuffisante. Il y a une raison à cela : ils furent définis par des gouvernements qui ne voulaient pas réellement agir.

Désormais, le rôle des Objectifs du millénaire se résume à alimenter la mobilisation du public et à débloquer par là toujours davantage de moyens pour une aide au développement dont l’insuccès est pourtant notoire. Dans les pays occidentaux, ce sont tout de même 800 000 personnes au moins qui en vivent et qui ont donc tout intérêt à maintenir l’aide au développement.

Les Africains se sentent dépendants

Les coopérants sont des étrangers, leurs valeurs ne sont pas celles de la population.
Les coopérants ne savent en général que trop peu de choses sur les structures sociales,
les cultures, les normes, les traditions et la mentalité de leurs milieux d’affectation.
On mesure bien trop souvent les réalités africaines à l’aune des représentations occidentales
de l’État moderne ; ce faisant, on néglige toute la différence des conditions historiques et sociologiques propres à l’Afrique. On y trouve fréquemment, par exemple, une mentalité double faite d’enracinement traditionnel parallèlement à une éducation et une formation modernes. Cette contradiction a de fortes répercussions sur l’application des mesures d’aide.

On manque de connaissances et de compréhension, mais aussi d’une évaluation réaliste de l’aide proposée. En Afrique, 10 000 euros peuvent souvent suffire à monter un projet, plutôt qu’une somme à six chiffres. On préfère pourtant « aider » avec des moyens disproportionnés, ce qui implique de graves conséquences. Selon ses propres estimations, le chevauchement des programmes et l’exécrable coordination de ses agences coûtent à la seule Organisation des Nations Unies près de sept milliards de dollars par an. Malgré cela, ces dysfonctionnements ne donnent pas matière à un débat public qu’il serait pourtant urgent de mener.

Je suis absolument convaincu que l’actuelle aide publique au développement appauvrit l’Afrique. Cela semble contradictoire, si l’on pense à l’ampleur de cette aide. Mais l’aide au développement appauvrit parce qu’elle crée une dépendance. Elle ne saurait être efficace parce qu’elle est basée sur l’idée paternaliste et erronée que l’aide des riches du Nord renforce les pauvres du Sud, alors que ce faisant, c’est l’esprit d’innovation nationale qui dépérit. En juillet 2013, l’Abbé Primat bénédictin Notker Wolf s’est lui aussi exprimé de manière critique contre l’aide publique au développement.

La faute de l’Allemagne résiderait dans le fait que « nous croyons toujours savoir ce qui fait du bien aux autres », a dit Wolf. Selon lui, il serait préférable de demander aux personnes en Afrique ce dont elles auraient vraiment besoin, et surtout ce qu’elles pourraient faire elles-mêmes pour l’obtenir.

L’efficacité de la coopération ecclésiastique pour le développement

Les projets ecclésiastiques de développement sont souvent exemplaires, car leur soutien
mobilise peu de ressources, mais un fort engagement de partenaires plus modestes.
Mon expérience dans plusieurs pays africains m’a fait découvrir de remarquables exemples d’aide de la part des églises. Pour n’en citer qu’un : plus de 1200 Salésiens de Don Bosco travaillent dans 42 pays africains avec des jeunes gens en marge de la société.

Ils s’occupent de maisons des jeunes, d’écoles primaires et secondaires, de centres de formation professionnelle et de programmes de développement agricole. Les jeunes sont souvent les moins bien armés pour échapper à la pauvreté. Cela n’est pas le cas quand les églises leur offrent l’accès à l’éducation et la chance d’apprendre.

Les organisations caritatives ecclésiastiques ont un avantage : les collaborateurs qui sont détachés dans les pays en voie de développement parlent souvent la langue locale, ils sont souvent actifs depuis très longtemps sur le terrain et connaissent donc le
pays et ses habitants bien mieux que les coopérants gouvernementaux qui, en règle générale, ne sont mandatés que pour peu d’années. En Afrique, les églises s’engagent notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé publique et de l’aide d’urgence Dans certains États, elles assurent des besoins de base comme l’éducation, la prévention sanitaire et l’aide sociale – des secteurs où la corruption est particulièrement répandue et qui, pour de nombreux États, ne constituent pas une priorité. Les écoles et les universités chrétiennes comptent souvent parmi les meilleures du pays. Les centres de santé chrétiens sont proches des pauvres et de leurs réalités quotidiennes. La qualité de leur offre médicale est bien souvent meilleure que celle des établissements publics.

Puisque les églises disposent de moyens limités, elles tendent – d’après une étude de ’Université de Saarbrücken – à contrôler leur travail de façon intensive et efficace.
Dans quels domaines la coopération au développement pourrait-elle apporter des réponses ?
L’utilité de notre aide se mesure à sa capacité à renforcer l’engagement des Africains en les amenant à s’occuper eux-mêmes du développement de leur continent.

Un important facteur de prospérité réside dans la qualité des écoles et des universités,
ainsi que dans l’offre d’un personnel spécialisé de qualité – des ingénieurs ou des gestionnaires, par exemple. Des institutions fonctionnelles garantissent une atmosphère sociale dans laquelle les personnes sont incitées à se former, à investir et à innover. Je crois qu’il n’y a aucun problème qui ne soit lié, en Afrique, à la carence éducative : l’aide à la formation est donc toujours un choix judicieux.

En Afrique aussi, ce sont l’initiative individuelle et l’innovation qui permettent d’aller de l’avant. Par ailleurs, l’accès à l’information et aux programmes éducatifs est devenu beaucoup plus facile dans les villes. C’est pourquoi la possibilité de consulter en ligne et gratuitement des cours de l’École polytechnique fédérale de Lausanne ( ou des cursus similaires d’universités américaines, en anglais ) est une initiative constructive, qui mériterait d’être développée au cours des années à venir. Cette façon de promouvoir les études constitue une aide véritable parce qu’elle renforce la confiance en soi des personnes et la conscience qu’elles ont de leur propre valeur.

La coopération au développement doit prendre fin à moyen terme

Les développements politiques de pays comme le Botswana, le Ghana, le Cap-Vert, l’Île Maurice, la Namibie, le Rwanda, la Zambie, le Sénégal ou l’Éthiopie sont des cas aussi rares que réjouissants. Ces pays sont des exemples du fait qu’une bonne gouvernance se répercute sur le bien-être de la population. Leurs élites nomment les problèmes et proposent des solutions que leur propre politique est apte à prendre en charge. Cette volonté politique de créer des conditions-cadres transparentes devrait être soutenue. Mais l’initiative doit venir d’Afrique. Nous ne pouvons plus priver les Africains de la responsabilité de leur propre destin. L’Afrique ne peut s’aider qu’elle-même.

Il serait temps que l’aide au développement ait un effet d’encouragement accru. Et il faudrait en revanche cesser de concevoir la coopération au développement comme allant de soi. Car dès que nous aidons, nous projetons sur les Africains nos représentations de ce qui est bon et juste. Lorsque nous construisons en Afrique des routes, des puits, des ponts, des écoles ou des hôpitaux, nous améliorons nos statistiques, mais nous ne soutenons pas forcément le développement de ces pays. Car leurs infrastructures par exemple pourraient être édifiées sans notre aide. Les ingénieurs africains sont en mesure de le faire. Il y a sur le continent de nombreux citoyens intelligents, talentueux, qui aiment leur pays – et qui doivent aujourd’hui se contenter du rôle de spectateurs. Pour citer un exemple : en novembre 2014, la Triennale de Milan a présenté 70 bâtiments d’architecture africaine contemporaine. Un simple coup d’oeil au catalogue permet de démentir les préjugés. Il faudrait se demander pourquoi les institutions de la coopération au développement persistent à bâtir suivant les modèles occidentaux. Les architectes africains privilégient d’habitude les techniques de construction traditionnelles, les matériaux du pays et la main-d’oeuvre locale. De telles initiatives personnelles rendent leur dignité aux gens, car la plupart des Africains veulent produire quelque chose et subvenir eux-mêmes à leurs besoins et à ceux de leur famille.
 
Que pouvons-nous faire ?

La coopération internationale au développement est définie par un petit cénacle d’organisations qui s’épaulent les unes les autres. L’aide au développement manque d’une culture de la responsabilité. Les employés des capitales et les donateurs de l’aide au développement ignorent souvent ce qui est pertinent et nécessaire pour les personnes qu’ils devraient pourtant servir.
Une nouvelle voie réside dans le renforcement de la responsabilité individuelle.

La transparence en est une étape importante : les informations portant sur chaque projet singulier devraient ainsi être publiquement accessibles, avec des précisions sur leur raison d’être économique, leurs coûts et les prestations du pays destinataire. Les médias non gouvernementaux locaux, qui jusqu’ici n’ont eu que rarement accès à ces informations, pourraient ainsi jouer un rôle d’observateurs attentifs. Dans le même temps, tous les participants auraient la possibilité de présenter leurs remarques et leurs avis – un pas important, qui contraindrait les autorités publiques à prendre en compte les voeux, les besoins, les initiatives et les idées de la population, en cherchant à les satisfaire le mieux possible. La transparence est le fondement de l’autodétermination et de la gestion commune ; elle permet également une participation élargie tout en prévenant la corruption.

En parallèle, il faudrait rattacher tous les résultats à des conditions vérifiables.
On ne peut se permettre d’être compréhensif face aux dysfonctionnements, à la corruption ou aux violations des droits de l’homme. C’est à partir de là que le développement est possible : il nécessite d’avoir la conviction profonde que les personnes sont disposées et aptes à assumer elles-mêmes la responsabilité de leurs vies et de leur pays.