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Für eine andere Entwicklungspolitik!

Beitrag vom 14.02.2012

Africa & Science

De l'aide au sous-développement: Volker Seitz est un ancien Ambassadeur qui parle librement

By admin
« Beaucoup d'Africains ont des milliards accumulés dans les banques en occident. Pourquoi n'investissent-ils pas cette fortune dans la lutte contre la malaria qui demeure un problème majeur en Afrique? Pourquoi ne créent-ils pas une fondation de soutien à la recherche sur la malaria? Les Africains fortunés envoient généralement leurs enfants étudier en France, en Angleterre ou aux États Unis d'Amérique. Cependant, la construction des écoles et universités en Afrique où leurs progénitures peuvent étudier avec fierté serait la bonne solution »[1].

Les phrases ci-dessus retranscrivent le ton du livre de Monsieur Volker Seitz. Tout au long de son oeuvre, l'auteur procède à un diagnostique. Au cœur du débat, le sous-développement de l'Afrique. Les causes sont plausibles, selon lui : la mauvaises administration de l'aide publique au développement (côté occidental) et la mauvaise gouvernance (côté africain). En effet, quand attribution incontrôlée de l'aide au développement et corruption de l'élite politique africaine font ménage, le mal être des populations s'ensuit de façon logique. La corruption est ainsi présentée comme l'une des causes fondamentales du retard actuel du continent. L'Ambassadeur Seitz cite d'ailleurs des exemples assez éloquents dont la falsification des actes par les autorités administratives et l'obligation de toujours « donner quelque chose » si l'on veut obtenir une simple autorisation[2].

Sur l'aide publique au développement, l'Ambassadeur porte un regard bien critique. Son propos est fort vrai : si l'aide de l'occident contribue effectivement à soulager les populations les plus pauvres du continent, elle détruit en même temps les mécanismes endogènes de lutte contre la pauvreté[3]. En effet, l'aide publique au développent a certes pour fonction officielle l'assistance aux couches sociales les plus démunies. Toutefois, sa fonction réelle est toute autre. Car, profitant plus aux élites politiques occidentales et africaines qu'aux couches sociales les plus nécessiteuses, elle huile les créneaux de la corruption et aide les «dinosaures» à davantage conserver leur pouvoir. Faire la lumière sur cet état des choses est généralement risqué. L'auteur parle d'ailleurs de « vérités dérangeantes » aussi bien pour la classe politique occidentale que pour l'élite politique africaine. En réalité, « à quelques exceptions près, l'aide au développement n'a ni assuré une croissance économique durable pouvant influencer qualitativement le niveau de vie des populations, encore moins a-t-elle amélioré la condition de vie des pauvres. Pour être claire, cette aide l'a plutôt détruite »[4]. Pour cet ancien diplomate, la raison de cet état des choses est fort simple : l'aide a été affranchie de toute obligation de résultat. Il conseille donc aux bailleurs de fonds de conditionner l'octroi de l'aide à la présentation de rapports d'activités convaincants. En plus, « le principe de l'aide aux initiatives endogènes devrait être valorisé, et la responsabilité de l'élite politique africaine devrait être engagée »[5].

L'Ambassadeur ne manque également pas de jeter un regard sur l'attitude irresponsable et manifestement hédoniste d'une élite politique qui n'accorde aucune importance aux citoyens qu'elle gouverne. « Les Africains sont les champions du monde de la consommation de champagne. Leur parc automobile impressionne par le nombre de Mercedes dont les vitres sont généralement fumées, probablement pour que l'occupant n'affronte pas l'agressivité de la misère qui prévaut dans les environs ». Toujours dans le registre du luxe, l'auteur ajoute : « La plupart des membres de l'élite politique africaine dispose de villas de luxe dans plusieurs pays. Certains chefs d'État et leur entourage ont même déjà eu à dépenser à New York en l'espace d'une semaine le revenu annuel de la chancelière d'Allemagne »[6]. Logiquement, les fonds ainsi gaspillés par l'élite africaine ne peuvent logiquement provenir que du détournement des deniers publics ou de la corruption.

Outre la corruption qui revient sur presque chaque page de la partie introductive du livre, l'auteur identifie également la forte croyance au magico-religieux et le peu d'attention que les Africains (aussi bien au niveau de l'élite qu'au niveau des couches sociales les plus basses) attachent à la notion du temps. La sonnette d'alarme fut déjà tirée par de nombreux intelletuels africains dont Axelle Kabou dans son livre «Et si l´Afrique refusait le développement?» (l´Harmattan, 1991). Ce fut d'ailleurs à ses dépends.

Déjà, de nombreux auteurs ont relevé de par le passé la forte croyance des africains au magico-religieux[7]. La croissance exponentielle du nombre d'églises actuellement en cours en Afrique au sud du Sahara et le grand renouveau du mouvement islamique témoignent du fort attachement des Africains à l'irrationnel. Une telle attitude est dans une certaine mesure une cause du retard : « La magie est répandue dans toute l'Afrique, plus précisément, la croyance aux amulettes. Il n'existe certes pas de statistiques fiables sur le sujet, mais il y a autant de décès de suite d'accidents de circulation (et parfois d'avion) que décès pour cause de malaria. Beaucoup d'automobilistes font confiance plus à leurs amulettes qu'aux règles élémentaires de prévention routières. Le cas des voitures généralement surchargés de passagers est ici l'exemple le plus éloquent. Plus une population croit en la protection du surnaturel, de l'invisible, moins elle accorde de l'importance aux problèmes existentiels réels tel la qualité des freins, la qualité des pneus ou l'état du moteur. La notion de prévention et d'entretien du véhicule n'existe pas. Tout au plus, l'on se contente de la simple réparation occasionnelle des pannes »[8]. L'attitude de la classe politique africaine est sur ce point particulièrement surprenant. Car, en temps normal, le nombre d'accidents de circulation aurait longtemps incité le gouvernement camerounais par exemple à mettre en route de véritables politiques de préventions routière. Il y a de quoi surprendre.

Sur la ponctualité, l'auteur constate que nous nous trouvons face à un sujet sensible. Car, chaque évocation de la lenteur des Africains est toujours de nature à susciter un conflit, dans la mesure où les Africains voient en l'impatience et à la gestion minutieuse du temps un caractère « typiquement européen et américain, et ne voient eux-mêmes aucune raison de se presser (…) Les Africains ne se pressent pas… »[9]

Dans de telles conditions, comment peut-on créer de la richesse? L'Ambassadeur Seitz relève quelques pistes : tout d'abord, il faut une reforme administrative en vue d'alléger les conditions bureaucratiques de création des entreprises. Au Cameroun où l'auteur a servi comme Ambassadeur, la mise en route d'une entreprise nécessite environ 444 jours, soit presque du double par rapport à la moyenne africaine. L'exportation d'un containeur prend en moyenne 10 jours tandis que l'importation d'un containeur prend 51 jours (en moyenne). À cette triste réalité s'ajoute bien sûr la corruption des cadres de l'État. De telles conditions n'attirent pas les investissements étrangers. Il n'y a donc rien de surprenant que l'Afrique ne soit pas bénéficiaire des délocalisations.

Un lecteur critique évoquerait volontiers la présence des entreprises européennes en Afrique comme preuve de la possibilité d'affaire sur le continent, malgré les conditions défavorables ci-dessus énumérées. Sur ce, l'auteur apporte une précision fort intéressante : « de nombreux entrepreneurs étrangers, généralement des propriétaires de petites et moyennes entreprises sont présents sur le continent. Ceux-ci fonctionnent généralement sur la base de relations personnelles bien établies au sein de l'élite politique locale, et opèrent presque toujours en marge des principes édictés par Transparency International. Les entreprises de cette catégorie (parmi lesquelles des firmes allemandes aussi) se distinguent très souvent par leur prospérité pour la plupart, et reposent sur une tradition de collaboration longue de plus 30 ans parfois ». L'avenir industriel du continent doit reposer sur des institutions fortes, et non sur des relations informelles. Voilà pourquoi l'auteur met un accent tout particulier sur les reformes administratives et le renforcement de l'État de droit.

[1] Volker Seitz: Afrika wird armregiert oder Wie man Afrika wirklich helfen kann, P. 34 («L'Afrique est mal gouvernée. Comment mieux l'aider», Traduction propre)

[2] Ibid, p. 28

[3] Ibid, p. 24

[4] Ibid, p. 25

[5] Ibid, p.32

[6] Ibid, p.25

[7] Peter Geschiere: Sorcellerie et politique en Afrique: La viande des autres, Karthala, Paris, 1995, 300p

[8] Volker Seitz: op. Cit. p.22

[9] Ibid, p.23