Beitrag vom 13.05.2011
LE MONDE (avec AFP)
Yunus démissionne de la Grameen Bank
Fin de partie pour l'icône mondiale de la finance solidaire. Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix en 2006 pour avoir fondé la première institution de microcrédit, a annoncé tard jeudi 12 mai sa démission de la Grameen Bank, après avoir perdu son dernier recours juridique dans le long bras de fer qui l'a opposé au gouvernement du Bangladesh.
M. Yunus, 70 ans, a été limogé le 2 mars de la Grameen Bank par la banque centrale du Bangladesh, qui lui a reproché d'avoir omis d'obtenir une autorisation en bonne et due forme au moment de sa reconduction en 1999 à la direction générale de l'établissement, qu'il avait créé en 1983. La Haute Cour du Bangladesh avait confirmé cette décision le 8 mars, estimant que le licenciement était légal et que Muhammad Yunus avait en outre dépassé l'âge légal de départ à la retraite, fixé à 60 ans.
Il avait introduit un ultime recours qui a été rejeté le 5 mai par la Cour suprême, qui a notamment estimé que la Grameen Bank était un établissement public et non une banque privée, comme argumentaient les avocats de M. Yunus, ce qui l'obligeait à respecter l'âge légal de la retraite.
RESTRUCTURATION EN VUE
M. Yunus a indiqué qu'il quittait son poste de directeur général et était remplacé par son adjoint, Nurjahan Begum, dans un communiqué diffusé jeudi soir. "Je prends cette décision sans préjudice d'éventuelles questions légales [futures] et afin d'éviter toute gêne indue aux activités de la Grameen Bank," écrit-il. "J'espère que la Graamen Bank va poursuivre ses activités, en maintenant son indépendance et son caractère", a-t-il ajouté.
Des membres du personnel et du conseil d'administration ont demandé au gouvernement de permettre à M. Yunus de rester à la tête de l'établissement le temps d'assurer la transition avec la nouvelle direction, mais le ministre des finances a rejeté cette idée, relevant que "le personnel de la Grameen Bank ne désigne pas le patron". Le gouvernement a indiqué qu'il étudiait des recommandations afin de restructurer la Grameen Bank et le ministre des finances a précisé qu'un comité serait chargé de trouver un nouveau directeur général dans les trois mois.
JALOUSIE DU GOUVERNEMENT
Selon ses partisans, "le banquier des pauvres", qui est brouillé depuis des années avec le premier ministre, Sheikh Hasina, est victime d'une campagne de diffamation. Ses ennuis ont commencé en 2007 lorsqu'il a émis l'idée de créer son propre parti politique, dénonçant une classe dirigeante intéressée par "l'argent et le pouvoir". M. Yunus y avait renoncé au bout de quelques mois. En décembre 2010, à la suite de la diffusion d'un documentaire norvégien assez critique sur ce pionnier de la microfinance, Mme Hasina l'avait accusé de "sucer le sang des pauvres" et de manipulations financières pour ne pas payer d'impôts.
Selon les observateurs, l'influence considérable de la Grameen Bank au Bangladesh, avec des activités dans les panneaux solaires, la téléphonie mobile et d'autres biens de consommation, a provoqué la jalousie du gouvernement. Détenu à 25 % par l'Etat, l'établissement, qui emploie 24 000 personnes, compte plus de huit millions de clients. Son modèle de microcrédit a été copié dans les pays émergents du monde entier.