Les baskets Sawa font l'audacieux pari du « made in Africa »
Cameroun
Les Echos
Par Dominique Chapuis
La marque de basket 100 % « made in Africa » a dû quitter le Cameroun pour l'Ethiopie. La corruption menaçait la rentabilité du projet. Et le printemps arabe a gêné ses approvisionnements.
Le « made in Africa » n'est pas un long fleuve tranquille. La jeune marque de baskets Sawa en sait quelque chose. Fabriquée depuis 2009 par des cordonniers camerounais, elle a été délocalisée en mai 2011 en... Ethiopie. « Nous l'avons fait la mort dans l'âme, sinon le risque était de fermer l'entreprise, soupire Mehdi Slimani, l'un des trois fondateurs de la société. Mais il n'a jamais été question de quitter l'Afrique, car cela aurait été la fin de la marque. » Le projet de Sawa repose en effet sur la volonté de développer une marque de mode « made in Africa », en laissant la valeur ajoutée sur le continent. Les modèles sont dessinés par des artisans locaux. « Il s'agit d'une démarche militante, mais on n'est pas là pour sauver l'Afrique », reprend le jeune dirigeant.
Le choix du Cameroun s'était imposé en raison du savoir-faire local. Bata a d'ailleurs compté pendant longtemps une usine sur place. Les trois fondateurs trentenaires s'étaient associés avec un partenaire local, à la tête d'un atelier qui fabriquait des chaussures de sécurité. Toutes les matières premières pour la fabrication des chaussures venaient ainsi d'Afrique : la toile du Cameroun, le cuir du Nigeria, les lacets de Tunisie et le caoutchouc d'Egypte. Mais s'installer durablement dans le pays n'a pas été possible. En cause, la corruption sur le port de Douala, et les effets du « printemps arabe ». Les composants transitaient par les douanes de la cité portuaire, dont le niveau des taxes était très variable. « Il fallait tout négocier. Au final, le montant ne nous permettait plus d'être rentable », reprend Mehdi Slimani. A cela se sont ajoutées les manifestations en Tunisie et en Egypte qui ont provoqué des retards dans l'approvisionnement. Et dans la production, avec, à la clef, des pénalités à payer aux distributeurs qui attendaient les collections. Du coup, Sawa a préféré plier bagage, et l'atelier d'une centaine de salariés est passé à une trentaine. « Nous avons été déçus car nous pensions qu'il y aurait plus de patriotisme économique localement », reprend le responsable.
Finalement, la société a mis le cap sur l'Ethiopie, attirée par sa dynamique industrielle ces dernières années, soutenue par le gouvernement. Et la possibilité d'acheter toutes les matières premières dans le pays. Son nouveau partenaire local dispose d'une petite usine (coupe, couture et assemblage) de 300 salariés. « Nous avons perdu le côté artisanal contre un gain en qualité, en volume, en rapidité, avec la sécurité en plus », note-t-il. Sawa a aussi confié sa communication à une jeune agence éthiopienne.
Retrouver la confiance des clients
Car la société est bien décidée à refaire parler d'elle. Son carnet de commandes a pris un coup l'an dernier car, en raison des retards, la marque n'a pas pu fabriquer la collection pour l'hiver 2011. Sawa doit donc retrouver la confiance de ses clients et en trouver de nouveaux.
Vendue a ses début dans des boutiques « branchées » comme Dover Street Market à Londres, Comme des Garçons à Tokyo, Wood Wood à Berlin, la marque a conquis depuis des chaînes comme JCREW aux Etats-Unis ou Tomorrowland au Japon. Elle est aussi présente au Printemps Homme à Paris. D'une production de 15.000 paires prévue en 2012, elle espère doubler l'an prochain. Cette relance passe par le lancement d'un nouveau modèle, une basket à tige montante en cuir proposée au prix de 115 euros.